Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, I.djvu/94

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ployées sans s. Examinons d’abord la première de ces deux fonctions de la lettre s.

1° Dans les plus anciens autographes du recueil, ceux de novembre 1629 et de janvier 1631, la même lettre s sert à Descartes pour trois sortes de cas où nous employons aujourd’hui s, ou x, ou z. Puis, il fut amené peu à peu à substituer, comme nous, à cette s, tantôt x, tantôt z.

Par exemple on lit (f. 48, 46 et 47), non pas ceux, deux, mieux nebuleux, rationaux (pour rationnels), ie veux, etc., mais deus, mieus, nebuleus, rationaus, ie veus ; et cela se retrouve dans deux lettres à Wilhem, du 7 février (hureus, etc., pour heureux) et du 12 décembre 1633 (auantageus, etc.), dans une autre, à Mersenne, du 14 août 1634, et une à Golius, du 9/19 mai 1635 (yeus, lumineus, etc.) Mais voici que dans des textes postérieurs, ceux de 1638, par exemple, et tous les suivants, on trouve écrit comme de nos jours, ceux, deux, mieux, ie veux, etc., nouveau changement considérable que Descartes a adopté dans son orthographe. Ses manuscrits conservent cependant çà et là, quelques traces de l’habitude ancienne : chois pour choix (5 octobre 1637), et ausquels pour auxquels ; cette forme ausquels est même la seule qu’il emploie jamais. Par contre, l’x l’emporte quelquefois sur l’s d’une façon bien singulière : en voici deux exemples, les defaux pour les defauts (f. 40 recto, l. 21, du 2 novembre 1646), et deux foix pour deux fois (f. 42 verso, l. 19, du 23 novembre 1646) ; il est vrai que dans ce dernier cas on peut aussi bien lire fois que foix, les deux lettres s et x étant écrites l’une sur l’autre. Enfin un curieux exemple : du flus et reflux (f. 29 recto, l. 24-25, du 26 avril 1643)[1].

La même lettre s, avons-nous dit, était encore employée par Descartes là où nous mettons aujourd’hui z, notamment à la deuxième personne du pluriel des verbes : vous pensiés, vous auiés, vous pourrés, vous demandés, vous parlés, vous proposés, etc. (f. 48 recto et verso, f, 46 et 47). Mais on ne trouve cette forme que dans les lettres de novembre 1629 et janvier 1631, puis dans un autographe du 2 février 1632, et dans ceux qu’on a cités plus haut, du 7 février et du

  1. Eu égard aux tendances phonétiques de l’orthographe de Descartes, cette substitution de I’x à l’s finale correspond peut-être à une nuance de la prononciation du temps, l’s finale restant muette, x valant comme s sifflante (T).