Aller au contenu

Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore de ceux qui en dependent[1]. De ſa perfection ſouueraine il ſuit neceſſairement qu’il pourroit l’eſtre, c’eſt-a-dire qu’il pourroit n’auoir point donné de libre arbitre a l’homme ; mais, puiſque nous ſentons en auoir, il me ſemble qu’il repugne au ſens commun de le croire dependant en ſes operations, comme il l’eſt dans ſon eſtre.

Si on eſt bien perſuadé de l’immortalité de l’ame, il eſt impoſſible de douter qu’elle ne[2] ſera plus heureuſe apres la ſeparation du corps (qui eſt l’origine de tous les deplaiſirs de la vie, comme l’ame des plus grands contentements), ſans l’opinion de M. Digby[3], par laquelle ſon precepteur[4] (dont vous auez veu les eſcrits) luy a ſait croire la neceſſité du purgatoire, en luy perſuadant que les paſſions qui ont dominé ſur la raiſon, durant la vie de l’homme, laiſſent encore quelques veſtiges en l’ame, apres le deces du corps, qui la tourmentent[5] d’autant plus qu’elles ne trouuent aucun moyen de ſe ſatisfaire dans vne ſubſtance ſi pure. Ie ne vois pas comment cela s’accorde a ſon immaterialité. Mais ie ne doute nullement, qu’encore que la vie ne ſoit point mauuaiſe de foy, elle doit eſtre abandonnée pour vne condition qu’on connoiſtra meilleure.

Par cette prouidence particuliere, qui eſt le ſondement de la theologie[6], i’entends celle par laquelle Dieu a, de toute eternité, preſcrit des moyens ſi eſtranges, comme ſon incarnation, pour vne partie du tout cree, ſi inconſiderable au prix du reſte, comme vous nous repreſentez ce globe

  1. Ci-avant p. 313, l. 23.
  2. ne omis.
  3. Voir ci-avant p. 209, 1. 24, et l’éclaircissement.
  4. Thomas White ? Voir p. 210, l. 10.
  5. après tourmentent] virgule.
  6. Ci-avant, p. 315, l. 25.