Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/113

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•09-110. Premières Réponses. 87

férue. Ainfi, encore que Dieu ait toufiours elle, neantmoins, parce que c'eft luy-mefme qui en effeft fe conferue, il femble qu'affez pro- prement, il peut eftre dit & apelé la caufe defoy-mefme. (Toutesfois il faut remarquer que ie n'entens pas icy parler d'vne conferuation qui le faffe par aucune influence réelle & poruiue de la caufe effi- ciente mais que i*entens feulement que l'elTence de Dieu eft telle, qu'il eft impoflible qu'il ne foit ou n'exirte pas toufiours.)

Cela eftant pofé, il me fera facile de répondre à la diftindion du mot par fof, que ce tres-dode Théologien m'auertit deuoir eftre ex- pliqué. Car, encore bien que ceux qui, ne s'attachant qu'à la propre & étroite fignification d'efficient, penfent qu'il eft impoffible qu'vne chofe foit la caufe efficiente de foy-mefme, & ne remarquent icy au- cun autre genre de caufe, qui ait raport & analogie auec la caufe efficiente, encore, dif-je, que ceux-là n'ayent pas de couftume | d'en- 140 tendre autre chofe, | lorfqu'ils difent que quelque chofe eft parfoy, finon qu'elle n'a point de caufe, fi toutesfois ils veulent pluftoft s'ar- refter à la chofe qu'aux paroles, ils reconnoiftront facilement que la fignification negatiue du mot parfoy ne procède que de la feule imperfeflion de l'efprit humain, & qu'elle n'a aucun fondement dans les chofes ; mais qu'il y en a vne autre pofitiue, tirée de la vé- rité des chofes, & fur laquelle feule mon argument eft appuyé. Car fi, par exemple, quelqu'vn penfe qu'vn corps foit par foy, il peut n'entendre par là autre chofe, finon que ce corps n'a point de caufe; & ainfi il n'alfure point ce qu'il penfe par aucune raifon pofitiue, mais feulement d'vne façon negatiue, parce qu'il ne connoift aucune caufe de ce corps. Mais cela témoigne quelque imperfedion en fon iugement, comme il reconnoiftra facilement après, s'il confidere que les parties du temps ne dépendent point les vues des autres, & que partant, de ce qu'il a fupofé que ce corps iufqu'à cette heure a efté par foy, c'eft à dire fans caufe, il ne s'enfuit pas pour cela qu'il dôme eftre encore à l'auenir, fi ce n'eft qu'il y ait en luy quelque puiffance réelle & pofitiue, laquelle, pour ainfi dire, le reproduife continuel- lement. Car alors, voyant que dans l'idée du corps il ne fe rencontre aucune puiftance de cette forte, il luy fera ayfé d'inférer de là que ce corps n'eft pas par foy, & ainfi il prendra ce mot par Joy pofitiue- ment. De mefme, lorfque nous difons que Dieu eft par foy, nous Ipouuons aufli à la vérité entendre cela negatiuement, & n'auoir 141 point d'autre penfée, finon qu'il n'y a aucune caufe de fon exiftence ; mais fi nous auons auparauant recherché la caufe pourquoy il eft, ou pourquoy il ne ceife point d'eftre, & que, con- fiderans l'immenfe & incomprehenfible puiffance qui eft contenue

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