Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/133

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i35.i36. Secondes Réponses. 107

de quelque chofe, c'eft feulement parce que, dans cette caufe, il n'y auroit pas la mcfme chofe que dans l'effed.

C'eit aufïi vne première notion, que toute la réalité, ou toute la perfection, qui n'eft qu'objeftiuement dans les idées, doit eftre for- mellement ou éminemment dans leurs caufes ; & toute l'opinion que nous auons iamais eue de l'exiltence des chofes qui font hors de noltre efprit, n'eft apuyée que fur elle feule. Car d'où nous a peu venir le foupçon qu'elles exiftoient, fmon de cela feul que leurs idées venoient par les fens fraper noftre efprit?

Or, qu'il y ait en nous quelque idée d'vn eftre fouuerainement puiflant & parfait, & auffi que la realité objediue de cette idée ne fe trouue point en nous, ny formellement, ny éminemment, cela de- uiendra manifefte à ceux qui y penleront ferieufement, & qui vou- dront auec moy prendre la peine d'y méditer; maisie ne le | içaurois pas mettre par force en l'efprit de ceux qui ne liront mes Médita- tions que comme vn Roman, pour fe defennuyer, & fans y auoir grande attention. Or, de tout cela, on | conclud très manifeftement 176 que Dieu exille. Et toutesfois, en faueur de ceux dont la lumière naturelle eft fi foible, qu'ils ne voyent pas que c'eft vne première notion, que toiile la perfeâioii qui e.ft objeâiuement dans vue idée, doil eftre réellement dans quelqii'vne de /es caufes, ie l'ay encore dé- montré d'vne façon plus ayfée à conceuoir, en monftrant que l'efprit qui a cette idée ne peut pas exifter par foy-mefme; & partant ie ne voy pas ce que vous pouuez defirer de plus pour donner les mains, ainfi que vous l'auez promis.

le ne voy pas auffi que vous prouuiez rien contre moy, en dilant que i'ay peut-eftre receu l'idée qui me reprefente Dieu, des penfées que i'aj- eues auparauant, des enjéigneineus des Hures, des di/'cours & enireliens de mes amis, &c., & non pas de mon efprit feul. Car mon argument aura toufiours la mefme force, ii, m'adrellant à ceux de qui l'on dit que ie l'ay receuë, ie leur demande s'ils l'ont par cu.\- mefmes, ou bien par autruy, au lieu de le demander de mov-mefme; & ie concluray toufiours que celuy-là eft Dieu, de qui elle ell pre- mièrement deriuée.

Quant à ce que vous adjouftez en ce lieu-là, qu'elle peut eftre formée. de la coti/iderafion des chofes corporelles, cela ne me fcniblc pas plus vra3'femblable, que i\ vous difiez que nous n'auons aucune faculté pour ouyr, mais que, par la feule veuë des couleurs, nous paruenons à la connoilfance des fons. Car on peut dire qu'il y a plus d'analogie ou de ra|port entre les couleurs & les fons, qu'entre les 177 chofes corporelles & Dieu. Et lorlque vous demandez que i'adjoufte

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