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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/80

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^4 Œuvres de Descartes. 67-69.

toutes les fois que ie veux confiderer vne figure recliligne com-

82 pofée feulement de trois angles, il efl: abfolument necef|laire que ie luy attribue toutes les chofes qui feruent à conclure que fes trois angles ne font pas plus grands que deux droicls, encore que peut- eftre ie ne confidere pas alors cela en particulier. | Mais quand i'exa- mine quelles figures font capables d'eftre infcrites dans le cercle, il n'efl: en aucune façon neceffaire que ie penfe que toutes les figures de quatre collez Ibnt de ce nombre; au contraire, ie ne puis pas mefme feindre que cela foit, tant que ic ne voudray rien receuoir en ma penlee, que ce que ie pouray conceuoir clairement & difiin- ftement. Et par confequent il y a vne grande différence entre les faulfes fupofitions, comme eft celle-cy, & les véritables idées qui font nées auec moy, dont la première & principale eft celle de Dieu.

Car en effett ie reconnois en plufieurs façons que cette idée n'eft point quelque chofe de feint ou d'inuenté, dépendant feulement de ma penfée, mais que c'ert l'image d'vne vraye & immuable nature. Premièrement, à caufe que ie ne fçaurois conceuoir autre chofe que Dieu feul, à l'eflence de laquelle l'exiftence appartienne auec necef- fité. Puis aufli, pource qu'il ne m'eft pas poffible de conceuoir deux ou plufieurs Dieux de mefme façon. Et, pofé qu'il y en ait vn main- tenant qui exifle, ie voy clairement qu'il eit necefiaire qu'il ait eûé auparauant de toute éternité, & qu'il foit éternellement à l'auenir. Et enfin, parce que ie connois vne infinité d'autres chofes en Dieu, defquelles ie ne puis rien diminuer ny changer.

83 I Au refle, de quelque preuue & argument que ie me férue, il en faut touiours rcuenir là, qu'il n'y a que les choies que ie conçoy clairement & diftinélement, qui ayent la force de me perfuader en- tièrement. Et quoy qu'entre les chofes que ie conçoy de cette forte, il y en ait à la vérité quelques vues manifeftement connues d'vn chacun, & qu'il v en ait d'autres aulFi qui ne fe découurent qu'à ceux qui les confiderênt de plus prés & qui les examinent plus exactement; toutesfois, après qu'elles font vne fois découuertes, elles ne ibnt pas eftimées moins certaines les vues que les autres. Comme, par exemple, en tout triangle rectangle, encore qu'il ne paroilfe pas d'abord fi facilement que le quarré de la bafe efl égal aux quarrés des deux autres cofiez, | comme il efi éuident que cette bafe eft oppofée au plus grand angle, neantmoins, depuis que cela a efté vne fois reconnu, on eil autant perfuadé de la vérité de Fvn que de l'autre. Et pour ce qui eft de Dieu, certes, fi mon efprit n'eftoit preuenu d'aucuns preiugez, & que ma penfée ne fe trouvait point diuenie par la prefence continuelle des images des chofes lenfibles.

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