Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

70 OEuvRES Dt: Descartes. sy-ss.

capable de caufer, celuy qui elt le plus propre & le plus ordinaire- ment vtile à la conferuation du corps humain, lorfqu'i! eft en pleine fimté. Or l'expérience nous fait connoiftre, que tous les fentimens que la nature nous a donnés font tels que ie viens de' dire; & partant, il ne fe trouue rien en eux, qui ne face paroiftre la puif- fance & la bonté du Dieu qui les a produits.

Ainfi, par exemple, | lorfque les nerfs qui font dans le pied font remuez fortement, & plus qu'à l'ordinaire, leur mouuement, paf- fant par la mouelle de l'efpine du dos iufqu'au cerueau, fait vne impreffion à l'efprit qui luy fait fentir quelque chofe, à fçauoir de la douleur, comme ertant dans le pied, par laquelle l'efprit eft auerty & excité à faire fon polTible pour en chaffer la caufe, comme tres-dangereufe & nuifible au pied.

Il eft vray que Dieu pouuoit eftablir la nature de l'homme de telle forte, que ce mefme mouuement dans le cerueau fift fentir toute autre chofe à l'efprit : par exemple, qu'il le fift fentir foy- mefme, ou en tant qu'il eft dans le cerueau, ou en tant qu'il eft m dans le pied, ou bien en tant qu'il eft en quelqu'autre en|droit entre le pied & le cerueau, ou enfin quelque autre chofe telle qu'elle peuft eftre ; mais rien de tout cela n'euft fi bien contribué à la conferuation du corps, que ce qu'il luy fait fentir.

De mefme, lorfque nous auons befoin de boire, il naift de là vne certaine fechcreffe dans le gozier, qui remue fes nerfs, & par leur moyen les parties intérieures du cerueau ; (Se ce mouuement fait reflentir à l'efprit le lentiment delà loif, parce qu'en cette occafion- là il n'y a rien qui nous loit plus vtile que de fçauoir que nous auons befoin de boire, pour la conferuation de noftre fanté; & ainfi des autres.

D'où il eft entièrement manifefte que, nonobftant la fouueraine bonté de Dieu, la nature de Thomme, en tant qu'il eft compol'é de l'efprit & du corps, ne peut qu'elle ne foit quelquefois fautiue & trompeufe.

Car s'il }'■ a quelque caufe qui excite, non dans le pied, mais en quelqu'vne des parties du nerf qui eft tendu depuis le pied iuf- qu'au cerueau, ou mefme dans le cerueau, le mefme mouuement qui fe fait ordinairement quand le pied eft mal difpofé, on fentira de la douleur comme fi elle eftoit dans le pied, & le fens fera naïu- rellenient trompé ; parce qu'vn mefme mouuement dans le cer- ueau ne pouuant caufer en l'elprit qu'vn mefme fentiment, & ce

a de omis {i"^' édit. ) .

�� �