Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, V.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mal, & ſe retiennent, pour ce ſuiet, de vous témoigner de l’amitié.

I’ay touiiours eſté en peine, depuis la concluſion de cette paix, de n’aprendre point que Monſieur l’Electeur voſtre frere l’euſt acceptée, & i’aurois pris la liberté 5 d’en écrire plutoſt mon ſentiment à voſtre Alteſſe, ſi i’auois pû m’imaginer qu’il miſt cela en delibération. Mais, pour ce que ie ne ſçay point les raiſons particulieres qui le peuuent mouuoir, ce ſeroit temerité à moy d’en faire aucun iugement. Ie puis ſeulement 10 dire, en general, que, lors qu’il eſt queſtion de la reſtitution d’vn Eſtat occupé ou diſputé par d’autres qui ont les forces en main, il me ſemble que ceux qui n’ont que l’equité & le droit des gens qui plaide pour eux, ne doiuent iamais faire leur conte d’obtenir toutes 15 leurs pretenſions, & qu’ils ont bien plus de ſuiet de ſçauoir gré à ceux qui leur en font rendre quelque partie, tant petite qu’elle ſoit, que de vouloir du mal à ceux qui leur retiennent le reſte. Et encore qu’on ne puiſſe trouuer mauuais qu’ils diſputent leur droit le 20 plus qu’ils peuuent, pendant que ceux qui ont la force en deliberent, ie croy que, lors que les concluſions ſont arreſtées, la prudence les oblige à témoigner qu’ils en ſont contens, encore qu’ils ne le fuſſent pas ; & à remercier non ſeulement | ceux qui leur font rendre 25 quelque choſe, mais auſſi ceux qui ne leur oſtent pas tout, afin d’acquérir, par ce moyen, l’amitié des vns & des autres, ou du moins d’éuiter leur haine : car cela peut beaucoup ſeruir, par apres, pour ſe maintenir. Outre qu’il reſte encore vn long chemin pour venir 30 des promeſſes iuſqu’à l’effet ; & que, ſi ceux qui ont