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I, ï-3. CDXCV. — 20 Novembre 1647. 83

remarque aucun autre bien qui me femble û grand, ny qui foit entièrement au pouuoir dVn chacun. Car, pour les biens du corps & de la fortune, ils ne dépen- dent point abfolument de nous ; & ceux de l'ame fe

5 raportent tous à deux chefs, qui font, l'vn de con- noiflre, & Fautre de vouloir ce qui eft bon; mais la connoilTance eft fouuent au delà de nos forces; c'eft pourquoy il ne refte que noftre volonté, dont nous puiffions abfolument difpofer. Et ie ne voy point qu'il

10 foit poffible d'en difpofer mieux, que fi Ton a toufiours vne ferme &. conftante refolution de faire exadement toutes les chofes que l'on iugera eftre les meilleures, & d'employer toutes les forces de fon efprit à les bien connoiftre. C'eft en celafeul que confiftent toutes les

1 5 vertus ; c'eft cela feul qui , à proprement parler, mérite de la louange & de la gloire; enfin c'eft de cela feul que refaite toufiours le plus grand & le plus folide contentement de la vie. Ainfi i'eftime que c'eft en [cela que confifte le fouuerain bien.

20 Et par ce moyen ie penfe accorder les deux plus contraires & plus célèbres opinions des anciens, à fçauoir celle de Zenon, qui l'a mis en la vertu ou en l'honneur, & celle d'Epicure, qui l'a mis au conten- tement, auquel il a donné le nom de volupté. Car,

25 comme tous les vices ne viennent que de l'incertitude & de la foibleife qui fuit l'ignorance. & qui fait naiftre les repentirs ; ainfi la vertu ne confifte qu'en la refo- lution & la vigueur auec laquelle on fe porte à faire les chofes qu'on croit eftre bonnes, pouruû que cette

3o vigueur ne vienne pas d'opiniaftreté, mais de ce qu'on fçait les auoir autant examinées, qu'on en a morale-

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