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5-6.
Œuvres de Descartes

lement par l’action de ces corps, lors qu’ils ſe meuuent contre ſon baſton, mais auſſy par celle de ſa main, lors qu’ils ne font que luy reſiſter ; ainſy faut il auoüer que les obiects de la veüe peuuent eſtre ſentis, non ſeulement par le moyen de l’action qui, eſtant en eux, tend vers les yeux, mais auſſy par le moyen de celle qui, eſtant dans les yeux, tend vers eux. Toutefois, pour ce que cete action n’eſt autre choſe que la lumiere, il faut remarquer qu’il n’y a que ceux qui peuuent voir pendant | les tenebres de la nuit, comme les chats, dans les yeux deſquels elle ſe trouue ; & que, pour l’ordinaire des hommes, ils ne voyent que par l’action qui vient des obiects : car l’experience nous monſtre que ces obiects doiuent eſtre lumineux ou illuminés pour eſtre veus, & non point nos yeux pour les voir. Mais, pour ce qu’il y a grande difference entre le baſton de cet aueugle & l’air ou les autres corps tranſparens, par l’entremiſe deſquels nous voyons, il faut que ie me ſerue encores icy d’vne autre comparaiſon.

Voyés vne cuue au temps de vendange, toute pleine de raiſins a demi foulés, & dans le fons de laquelle on ait fait vn trou ou deux, comme A & B, par où le vin doux, qu’elle contient, puiſſe couler. Puis penſés que, n’y ayant point de vuide en la Nature, ainfy que preſque tous les Philoſophes auoüent, & neantmoins y ayant pluſieurs pores en tous