Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/40

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ment ſans fatiguer beaucoup l’imagination ; et on s’eſt tellement aſſuieti, en la derniere, a certaines reigles & a certains chiffres, qu’on en a fait vn art confus & obſcur, qui embarraſſe l’eſprit, au lieu d’vne ſcience qui le cultiue. Ce qui fut cauſe que ie penſay qu’il falloit chercher quelque autre Methode, qui, comprenant les auantages de ces trois, fuſt exempte de leurs defaux. Et comme la multitude des loix fourniſt ſouuent des excuſes aux vices, en ſorte qu’vn Eſtat eſt bien mieux reiglé, lorſque, n’en ayant que fort peu, elles y ſont fort eſtroitement obſeruées ; ainſi, au lieu de ce grand nombre de preceptes dont la Logique eſt compoſée, ie creu que i’aurois aſſez des quatre ſuiuans, pouruû que ie priſſe vne ferme & conſtante reſolution de ne manquer pas vne ſeule fois a les obſeruer.

Le premier eſtoit de ne receuoir iamais aucune choſe pour vraye, que ie ne la connuſſe euidemment eſtre telle : c’eſt a dire, d’euiter ſoigneuſement la Precipitation, & la Preuention ; & de ne comprendre rien de plus en mes iugemens, que ce qui ſe preſenteroit ſi clairement & ſi diſtindement a mon eſprit, que ie n’euſſe aucune occaſion de le mettre en doute.

Le ſecond, de diuiſer chaſcune des difficultez que i’examinerois, en autant de parcelles qu’il ſe pourroit, & qu’il ſeroit requis pour les mieux reſoudre.

Le troiſieſme, de conduire par ordre mes penſées, en commençant par les obiets les plus ſimples & les plus ayſez a connoiſtre, pour monter peu a peu, comme par degrez, iuſques a la connoiſſance des plus compoſez ; et ſuppoſant meſme de l’ordre entre ceux