Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/44

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la Philoſophie, en laquelle ie n’en trouuois point encore de certains, ie penſay qu’il faloit, auant tout, que ie taſchaſſe d’y en eſtablir ; & que, cela eſtant la choſe du monde la plus importante, & où la Precipitation & la Preuention eſtoient le plus a craindre, ie ne deuois point entreprendre d’en venir a bout, que ie n’euſſe attaint vn aage bien plus meur que celuy de vingt trois ans, que i’auois alors ; et que ie n’euſſe, auparauant, employé beaucoup de tems a m’y preparer, tant en deracinant de mon eſprit toutes les mauuaiſes opinions que i’y auois receuës auant ce tems là, qu’en faiſant amas de pluſieurs experiences, pour eſtre aprés la matiere de mes raiſonnemens, & en m’exerçant touſiours en la Methode que ie m’eſtois preſcrite, affin de m’y affermir de plus en plus.


Troisiesme
partie
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Et enfin, comme ce n’eſt pas aſſez, auant de commencer a rebaſtir le logis ou on demeure, que de l’abattre, & de faire prouiſion de materiaux & d’Architectes, ou s’exercer ſoymeſme a l’Architecture, & outre cela d’en auoir ſoigneuſement tracé le deſſein ; mais qu’il faut auſſy s’eſtre pouruû de quelque autre, où on puiſſe eſtre logé commodement pendant le tems qu’on y trauaillera ; ainſi, affin que ie ne demeuraſſe point irreſolu en mes actions, pendant que la raiſon m’obligeroit de l’eſtre en mes iugemens, & que ie ne laiſſaſſe pas de viure dés lors le plus hureuſement que ie pourrois, ie me formay vne morale par prouiſion, qui ne conſiſtoit qu’en trois ou quatre maximes, dont ie veux bien vous faire part.

La premiere eſtoit d’obeir aux lois & aux couſtu-