Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/74

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n’euſt aucun ſuiet d’imaginer que le ſang qui en ſortiroit vint d’ailleurs.

Mais il y a pluſieurs autres choſes qui teſmoignent que la vraye cauſe de ce mouuement du ſang eſt celle que i’ay dite. Comme, premierement, la difference qu’on remarque entre celuy qui ſort des venes & celuy qui ſort des arteres, ne peut proceder que de ce qu’eſtant rarefié, & comme diſtilé, en paſſant par le cœur, il eſt plus ſubtil & plus vif & plus chaud incontinent aprés en eſtre ſorti, c’eſt a dire, eſtant dans les arteres, qu’il n’eſt vn peu deuant que d’y entrer, c’eſt a dire, eſtant dans les venes. Et ſi on y prend garde, on trouuera que cete difference ne paroiſt bien que vers le cœur, & non point tant aux lieux qui en ſont les plus eſloignez. Puis la dureté des peaux, dont la vene arterieuſe & la grande artere ſont compoſées, monſtre aſſez que le ſang bat contre elles auec plus de force que contre les venes. Et pourquoy la concauité gauche du cœur & la grande artere ſeroient elles plus amples & plus larges, que la concauité droite & la vene arterieuſe ? Si ce n’eſtoit que le ſang de l’artere veneuſe, n’ayant eſté que dans les poumons depuis qu’il a paſſé par le cœur, eſt plus ſubtil & ſe rarefie plus fort & plus ayſement, que celuy qui vient immediatement de la vene caue. Et qu’eſt-ce que les medecins peuuent deuiner, en taſtant le pouls, s’ils ne ſçauent que, ſelon que le ſang change de nature, il peut eſtre rarefié par la chaleur du cœur plus ou moins fort, & plus ou moins viſte qu’auparauant ? Et ſi on examine comment cette chaleur ſe communique aux autres membres, ne faut-il pas auouër que c’eſt