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[PROJET D’UNE ECOLE DES ARTS ET METIERS.]
1648.

« Monſieur d’Alibert, Tréſorier général de France, avoit été luy-même un-des amis particuliers de M. Deſcartes ; & le croyant le plus propre des hommes à rendre utile au Public une partie des grandes richeſſes que la Providence luy avoit confiées, il avoit oſé le tenter plus d’une fois de la même manière dont Alexandre tenta autrefois un Philoſophe. M. Deſcartes s’en étoit toujours défendu avec autant de force, quoy qu’avec moins de faſte que Diogéne. Mais pour accorder quelque choſe aux généreux deſſeins que M. d’Alibert avoit, de faire quelques ſacrifices de ſes biens propres pour l’utilité publique du genre humain, il luy avoit perſuadé de faire de loüables établiſſemens dans Paris pour perfectionner les Arts. Ses conſeils alloient à faire bâtir, dans le collége Royal & dans d’autres lieux qu’on auroit conſacrez au Public, diverſes grandes ſalles pour les artiſans ; à deſtiner chaque ſalle pour chaque corps de métier ; à joindre à chaque ſalle un cabinet, rempli de tous les inſtrumens méchaniques néceſſaires ou utiles aux Arts qu’on y devoit enſeigner ; à faire des fonds ſuffiſans, non ſeulement pour fournir aux dépenſes que demanderoient les expériences, mais encore pour entretenir des Maîtres ou Profeſſeurs, dont le nombre auroit été égal à celuy des Arts qu’on y auroit enſeignez. Ces Profeſſeurs dévoient être habiles en Mathématiques & en Phyſique, afin de pouvoir répondre à toutes les queſtions des Artiſans, leur rendre raiſon de toutes choſes. & leur donner du jour pour faire de nouvelles découvertes dans les Arts. Ils ne dévoient faire leurs leçons publiques que les Fêtes & les Dimanches après vêpres, pour donner lieu à tous les gens de