Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/176

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tour, mais en lui donnant encore une forme nouvelle. Il en fait ressortir le caractère à priori, et la compare à ce point de vue aux démonstrations mathématiques : de part et d’autre, l’évidence est égale, ou plutôt, n’en déplaise aux mathématiciens, elle est plus forte dans la démonstration métaphysique. La seule idée de l’être parfait implique l’existence de cet être, comme l’idée du triangle, par exemple, implique l’égalité des trois angles et de deux droits. Cette démonstration, donnée d’abord comme la troisième par notre philosophe, deviendra pour lui la première, celle qui doit passer avant les deux autres. Et en effet, la perfection emporte d’abord sa propre existence, ou l’existence de l’être parfait ; par là s’explique ensuite l’existence d’êtres imparfaits, qui ne se jugent tels que parce qu’ils ont l’idée de la perfection. La critique pourra s’exercer sur ces démonstrations, et en contester la valeur absolue. Elle ne saurait méconnaître, au moins, cette double affirmation absolue, de la pensée et de la perfection, qui est comme le premier et le dernier mot de Descartes ; ce sera toujours, dans la philosophie française, l’idée dominante ; bientôt même elle pénétrera dans le domaine politique et social, sous le nom de perfectionnement et de progrès.

Sans approfondir les attributs divins (Descartes a autre chose à faire), il expose cependant ses idées sur l’entendement et sur la volonté en Dieu. On ne conteste pas que l’entendement divin soit infini ; mais la volonté divine est infinie également, ou plutôt la liberté en Dieu est infinie. Ne l’est-elle pas aussi en l’homme ? Du moins Descartes l’affirmera toujours envers et contre tous : à plus forte raison doit-elle l’être en Dieu. C’est là un dogme de sa métaphysique, et il était bien aise de se rencontrer là-dessus avec des théologiens d’une orthodoxie éprouvée. Si Dieu n’est pas libre, en effet, il agit

    mais reellement & de fait, qui ſoit ſi bonne & ſi excellente, qu’on n’en puiſſe conceuoir vne meilleure, & que vrayement il n’y en puiſſe auoir vne plus excellente : laquelle ſera ce grand Dieu, qui nous a faits & formez à ſon image pour le ſeruir, l’aymer & l’adorer, & pour iouyr de ſa diuine eſſence en la gloire des bien-heureux. » (Page 114-116.)