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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/200

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et qu’il ajoute à ce que l’on savait communément en Anatomie. Il explique avec force détails, à titre d’exemple, ce qui se passe dans les différentes parties de l’œil pour l’accommoder à la vision des objets plus ou moins proches de nous, et encore les mouvements de la tête, des mains, des pieds, pour nous rapprocher ou nous éloigner[1]. Il explique, à sa façon, l’état de veille, et le sommeil, et les rêves[2], et se complaît dans de minutieuses analyses, qui peuvent bien aujourd’hui paraître fantaisistes, mais qui avaient l’avantage en ce temps-là de montrer que le mécanisme pouvait suffire à tout, sans forme, ni qualité ou faculté, sans âme sensitive ni végétative.

Il n’insiste pas autrement, à la date de 1632, sur ce caractère si particulier de ses explications : loin de l’accentuer, il le sous-entend plutôt. C’était sa tactique. Il l’avait indiquée dès les premières pages de son Traité du Monde : montrer, par quelques exemples, qu’on peut fort bien se passer de ces entités scolastiques, qui sont donc inutiles ; au lecteur de conclure ensuite, si elles existent ou si elles n’existent pas[3]. Plus tard, quand il reprendra les mêmes questions, et que, dans le feu de la bataille, attaqué lui-même, il aura à se défendre, il ne se fera pas faute de railler au passage ces facultés auxquelles on avait recours en désespoir de cause, pures chimères, où l’esprit ne saurait rien comprendre[4]. Mais au début, il aimait mieux n’en parler que le moins possible, et les traiter par ce demi-silence, qui n’était que du mépris.

En revanche, il fait un constant usage, on pourrait presque dire un abus, des comparaisons empruntées à la chimie ou à la mécanique. Ce ne sont pas seulement pour lui des comparaisons, mais des assimilations véritables, et presque des identifications. La coction des aliments dans l’estomac, par exemple, est de même nature que la fermentation du raisin

  1. Tome XI, p. 186-189, et p. 190-197.
  2. Ibid., p. 173-174, et p. 197-199.
  3. Ibid., p 7-8.
  4. Ibid., p. 243-244 et p. 250-251.