ces difficultés où s’embarrassent ses adversaires. Il écarte les définitions de l’homme, communément reçues dans les écoles, par le genre le plus proche et la différence propre : animal raisonnable, etc… Procédant par élimination, ce qui lui est aisé après tant de motifs de doute rassemblés dans la Méditation précédente, il ne retient que la pensée, et c’est par là qu’il se définira lui-même, comme par l’essence, ou la nature, ou la forme véritable de son être : nouvelle sorte de définition, empruntée aux mathématiques, et introduite par lui dans la métaphysique. Cette pensée, qui est identique au doute, n’est pas moins indéniable que lui : je doute, je pense, je suis, trois termes ou même deux (en réunissant le premier et le second), qui n’en font qu’un ; je pense, donc je suis. Le mot donc est presque de trop ; et il avait l’inconvénient de faire penser à un syllogisme incomplet, et qui devait être complété : aussi ne manqua-t-on pas de réclamer à Descartes l’argument en forme, avec majeure, mineure et conclusion. Il s’exécuta, faisant rentrer de force dans ces vieux cadres un raisonnement qui n’était point fait pour cela : qu’avait-il besoin, en effet, de cette façon de prouver, tout à fait surannée ? Il inaugurait une preuve nouvelle, plus expéditive, et plus sûre aussi, par simple vue, ou inspection, ou intuition. Je pense ; cela ne suffit-il pas ? Je suis au moins une pensée, incontestablement. Ne suis-je que cela ? Et la pensée est-elle bien toute mon essence, toute ma substance ? ou qui sait ? peut-être un mode seulement ? Est-elle foncièrement distincte de toute autre chose, et en particulier du corps ? Pour le savoir, il faut recourir à Dieu.
Et c’est là le paradoxe de la troisième Méditation[1]. Non point, parce que Descartes y prouve Dieu : c’était le grand problème que la philosophie, longtemps servante de la théologie, avait à résoudre avant tout ; et maintenant encore la première question, souvent même la seule, qu’une âme façonnée par l’éducation chrétienne pose d’abord à un philo-
- ↑ Tome VII, p. 34-52. Tome IX (1re partie), p. 27-42.