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520 Vie de Descartes.

questions, autrement intéressantes, surtout pour une jeune reine. Deux venaient de lui, et la troisième, de Christine elle-même : toutes trois traitaient de l'amour. Chanut laisse entendre que les réponses du philosophe, bien qu'à lui adressées, seront mises sous des yeux plus augustes. Des- cartes, prévenu, entra dans les vues de son ami, et consentit de bonne grâce à jouer son jeu*.

Il mit à répondre à ces questions de morale un empressement semblable à celui de i638 pour les questions de mathéma- tiques envoyées de Paris, et sa lettre remplit jusqu'à huit feuilles d'écriture : c'est un petit traité, qu'il rédigea sur l'heure. Et il s'était mis en frais, puisant à pleines mains dans le trésor de ses souvenirs littéraires : citations de poètes, tels qu'Horace et Virgile, réminiscence d'Ovide (Ixion qui embrasse une nue, s'imaginant que c'est Junon, la reine des dieux) %

a. C'est ainsi que Chanut en usait déjà, sur des sujets moins sérieux, avec La Thuillerie. Il s'agissait d'une jeune dame de Danemark, qui devait se rendre à Paris, dans l'espérance, disait Christine, d'y retrouver l'ambassadeur, que ses fonctions retiendraient cependant à La Haye. Chanut écrit donc à La Thuillerie, le 3o juin 1646 : « Enfin elle tient » voftre efprit empefché en cette auanture de romant, & pour auoir la » joie de fçauoir comme vous vous demeflerez de cet embaras entre le n deuoir & l'amour, elle me dift qu'il falloit que je vous efcriuiffe galan- » terie fur ce fujet comme de mon chef, & que je luy promiffe de luy faire » voir voftre refponfe. Je penfay que vous auriez plaifir de prendre cette » occafion de luy faire encore paroiftre fous ce voile cette humeur fi » agréable qu'elle admiroit en vous, & que fi en faifant de ma part le froid » aux atteintes qu'elle me donnoit pour me faire auouer que vous eftiez » piqué de cette inclination, je ne l'en ay pu affez defabufer, vous le » pourrez, m'efcriuant de | confiance, en forte neantmoins que la gayeté y » foit toute entière, & qu'elle ne puiffe juger que vous fâchiez qu'elle verra » voftre lettre. Et pour ce deffein, quand il y auroit quelques petites » libertez bien chiffrées, qu'elle pourroit neantmoins lire fans rougir, » cela me fembleroit fort à propos. Vous fçaurez bien, Monfeigneur, » mefnager auec addrelTe cette petite comédie pour le diuertiffement d'vne » Reine qui aime voftre mérite & qui a grand plaifir de fe fouuenir de » vous. » [Bibl. Nat., MS. fr. 17962, p. 455 à p. 456.)

b. Lettre du i" février 1647 • *• '^' P- 600-617. Sur la longueur, voir t. X, p. 618, 1. 24.

c. Tome IV, p. 608, 1. i5-i6 (Horace) \ p. 612, 1. 17-18 [Virgile), et p. 607, 1. 29-30 [Ovide\.

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