Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/584

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

542 Vie de Descartes.

réalité, il se trouvait plus isolé dans cette capitale de la Suède, au milieu d'inconnus, que dans sa solitude d'Egmond, cil il avait aux environs et dans des villes toutes proches, Alkmaar et Harlem, Amsterdam, Leyde et La Haye, un nombre suffisant d'anciennes et fidèles amitiés.

A la cour, cependant, il eut un ami. Le bibliothécaire Freinshemius, qui l'avait décidé à ce voyage en Suède, lui rendit toute sorte de bons offices, et obtint même de la reine que le philosophe fût dispensé des petits assujettissements du palais. On peut croire aussi qu'il le soutint contre la cabale qui conspira aussitôt contre lui. Les grammairiens ou les philologues, qui comptaient bien profiter seuls du goût de la reine pour l'étude, craignirent que Descartes ne les supplantât. Ils n'étaient pas gens à reconnaître, comme avait fait Saumaise en Hollande, la supériorité de la philosophie sur leur philo- logie". Le jeune Vossius surtout ne pardonnait pas à Descartes certains propos, que celui-ci semble bien avoir tenus à Christine elle-même. N'avait-elle point honte, lui disait-il, d'apprendre le grec à son âge ? Pour lui, il en avait appris tout son saoul, étant petit garçon au collège ; mais il était bien aise d'avoir ensuite oublié ces bagatelles^. On conçoit l'irritation et la fureur des hellénistes ; elle fut telle, que le bruit courut, à la mort de Descartes, qu'ils l'avaient empoisonné. Pure calomnie, d'ailleurs, et assez vite dissipée. Le climat eut tôt fait de les délivrer de ce philosophe incommode. En attendant, l'ironie des choses leur ménagea une sorte de revanche : Descartes eut à s'occuper, non pas de philosophie, ni sans doute de philologie; mais il dut, ce qui était bien plutôt leur métier, composer des vers. Ce fut pour un ballet : trop heureux

» d'entretien. Pour l'ordinaire, leurs vifites font froides & ferieufes, & » leurs débauches & fertins longs, petulans & plains d'iurognerie. » {Bibl. Nat., MS. fr. 17962, p. 417 v.)

a. Tome V, p. 480, 1. 10-14, et p. 452, 1. 4-6. Voir ci-avant, p. 285.

b. Propos rapportes à la lois par Sorbière et par Philibert de la Mare, qui paraissent les tenir l'un et l'autre de Saurrtaise (le père ou le fils) : t. V, p. 459-461.

�� �