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même de Descartes, avec cette autre encore : les mathématiques dans l’ancien cours d’études, ne venaient qu’après la physique, comme une partie de celle-ci, et plus tard, nous l’avons vu, après la métaphysique ; pour Descartes, au contraire, la physique ne sera plus qu’une partie des mathématiques, et celles-ci par l’évidence de leurs démonstrations tiendront le premier rang avec la métaphysique elle-même. Quant à la physique, elle était tout encombrée d’un vain attirail de « formes substantielles » et de « qualités occultes », qui en obstruaient l’entrée : prétendues explications qui n’étaient que trompe-l’œil, en réalité, c’étaient des barrières qu’il fallait abattre pour permettre à la science ses libres recherches. L’entreprise était hardie ; car cette ancienne physique était la philosophie d’Aristote, devenue celle de saint Thomas, et au Concile de Trente la Somme de ce Docteur de l’Église avait été placée pendant toute la durée des sessions, comme un autre livre saint, sur une table à côté de la Bible[1]. Aussi, pour renverser une physique ainsi appuyée sur la théologie, nous verrons Descartes recourir à Dieu lui-même, faire appel à l’Être parfait : la haute intervention d’une métaphysique nouvelle lui paraîtra nécessaire pour autoriser sa nouvelle physique.

Notre philosophe était religieux d’ailleurs, mais à sa manière et ici il convient de distinguer le fond qui est à lui, et la forme croyances et pratiques, venues de son éducation. Le catholicisme des Jésuites était assez peu gênant, somme toute, pour la liberté de penser intérieurement : des dogmes imposés, qu’on n’examine ni ne discute, restent extérieurs et presque étrangers à l’esprit, et le laissent beaucoup plus libre de philosopher, que s’il s’était appliqué à les pénétrer, et y avait adhéré tout entier. D’autre part, les Jésuites excellaient à frapper l’imagi-

  1. Rochemonteix, t. IV, p. 3. Saint Thomas fut proclamé Père de l’Église, en 1569, au concile de Trente. — Notons cette déclaration de Descartes, dans une lettre à Mersenne, 25 déc. 1639. t. II, p. 630, I. 4-6 : « l’ay encore icy vne Somme de S. Thomas, et vne Bible que i’ay aportée de France.)