P. Richeome était réputé le Cicéron de la Compagnie de Jésus, comme Clavius en était l’Euclide ; de plus il fut Assistant de France auprès du Général à Rome, de 1608 à 1615. Un ouvrage de piété, composé par un si haut dignitaire, avait été mis certainement entre les mains de tous les écoliers de La Flèche.
La foi religieuse de Descartes se doubla de fidélité monarchique, soigneusement entretenue par ses maîtres. Le collège Henry IV ne pouvait oublier son fondateur ; et le roi, de son côté, n’oubliait pas non plus le collège qu’il avait fondé. Il décida que son cœur y reposerait plus tard dans la chapelle ; et en effet, après l’assassinat du 14 mai 1610 par Ravaillac, le cœur royal fut transporté de Paris à La Flèche[1]. On le reçut en grande pompe, le 4e jour de juin. Descartes était présent à la cérémonie, qui dut faire sur lui grande impression ; il y figura même comme un des jeunes gentilshommes choisis pour le cortège. Plus tard nous le retrouverons qui assiste volontiers à des spectacles du même genre : couronnement de l’Empereur à Francfort, mariage du Doge avec l’Adriatique à Venise, ouverture du Jubilé à Rome. Surtout il conserva jusqu’à la fin ses sentiments de « bon Français », comme en témoignent ses lettres de l’hiver de 1649, écrites de Hollande pendant la Fronde[2].
L’éducation de notre philosophe à La Flèche avait été d’ailleurs celle d’un jeune noble, avec tous les exercices physiques usités en ce temps-là : le jeu de paume, qui reviendra souvent dans ses comparaisons ; et l’escrime, que même il réduisit en art dans un petit traité[3]. Et comme les Jésuites n’avaient point de fêtes dans leurs collèges sans comédie et sans ballet, Descartes prit part sans doute comme ses jeunes condisciples à ces divertissements, et s’en souvint plus tard pour composer lui-même une comédie et un ballet de cour aux fêtes de la reine Christine à Stockholm[4].