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mourir ; il s’agissait de mettre ordre à ses affaires, et peut-être de recueillir sa charge. Nous voyons, en effet, Descartes occupé alors de questions d’intérêt : l’acte du 3 avril 1622 était un règlement de comptes avec son frère aîné, et celui du 22 mai suivant était un contrat de vente pour les biens du Poitou qui lui venaient du côté maternel. Il les vendit définitivement en 1623, assure Baillet[1] ; et ceci semble indiquer que Descartes n’avait alors aucune intention de se fixer dans son pays natal, et qu’il le quittait sans esprit de retour.

Baillet, en l’absence de documents certains, a rassemblé tout ce qui pouvait, à cette date de 1623-1625, attirer l’attention d’un voyageur en Italie ; il composa un voyage sur ces données. L’itinéraire était tracé d’avance, nous en avons comme une confirmation anticipée dans le Journal de Montaigne, une quarantaine d’années auparavant, en 1581[2]. A l’aller, la Suisse et le Tyrol ; on passait par Bâle, Inspruck, on suivait dans les Alpes la route si fréquentée déjà qui monte au Brenner, et on descendait par la vallée de l’Adige dans la Vénétie. Une armée française occupait alors en ces parages la Valteline, porte militaire de l’Allemagne sur l’Italie et de l’Italie sur l’Allemagne : Baillet pensa que notre voyageur ne pouvait faire autrement que de s’y arrêter[3]. A Venise, la grande curiosité, après le carnaval, était la fête annuelle des épousailles du doge avec l’Adriatique, et l’anneau d’or lancé en grande pompe dans la mer : Descartes, selon Baillet, ne manqua pas cette cérémonie. Comme elle avait lieu le jour de l’Ascension, il s’y trouva donc le 16 mai 1624[4].

De Venise on se rendait à Lorette, soit par mer, soit par une belle route le long de la côte. Descartes avait fait vœu, plus de quatre ans auparavant, d’aller en pèlerinage à Lorette, et

  1. Contrats du 5 juin et du 8 juillet, par-devant les notaires de Châtellerault. (Tome I, p. 2-3.)
  2. Journal de voyage de Montaigne, publié par Louis Lautrey, Paris, 1906, p. 276, etc.
  3. Baillet, t. I, 118-120.
  4. Idem, p. 120.