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MARCELINES DESBORDES-VALMORE

Le monde où vous régnez me repoussa toujours ;
Il méconnut mon âme à la fois douce et fière ;
Et d’un froid préjugé l’invincible barrière
Au froid isolement condamna mes beaux jours.
L’infortune m’ouvrit le temple de Thalie
L’espoir m’y prodigua ses riantes erreurs ;
Mais je sentais parfois couler des pleurs
Sous le bandeau de la Folie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Je n’ai pu supporter ce bizarre mélange
De triomphe et d’obscurité,
Où l’orgueil insultant nous punit et se venge
D’un éclair de célébrité.
Trop sensible au mépris, de gloire peu jalouse,
Blessée au cœur d’un trait dont je ne puis guérir,
Sans prétendre aux doux noms et de mère et d’épouse,
Il me faut donc mourir !

Ce n’était pas encore la rupture, mais Marceline en sentit désormais la menace passer sur elle, comme un vent d’orage. L’inquiétude et le soupçon chargeaient d’électricité l’air qu’elle respirait naguère avec délices. Elle fut jalouse. Elle introduisit dans ses monologues ce nouveau ressort de passion.

D’abord, le grand cri :

Malheur à moi ! Je ne sais plus lui plaire !

Puis, le pressentiment :

Une autre le verra triste et tendre auprès d’elle,
Vivre de ses regards, frissonner de sa voix.