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L’ÉPOUSE

tieux n’avaient rien perdu pour attendre ni rien gagné à se cacher dans leur victoire d’un jour. Si l’on craint quelque exagération de la part d’un témoin qui est femme et qui est Marceline, rien n’empêche de se référer à la déposition de Valmore telle que Sainte-Beuve, bien inspiré, l’a donnée. Valmore est un homme calme, réfléchi, un ami de l’ordre. Les biographes de sa femme, lorsqu’ils peuvent citer de lui des vers, d’ailleurs détestables, adressés tantôt à Paganini, tantôt à Marceline, en font des gorges chaudes. Que ne se sont-ils montrés équitables en reproduisant aussi la lettre écrite, au lendemain de la tuerie, par le père à son fils en pension à Grenoble ? La main qui écrit tremble de colère et d’horreur.

Mais c’est vrai qu’il y a mieux encore, qu’il y a les lettres émouvantes de Mme Valmore à Caroline Branchu, à Charpentier, à Gergerès, à Mlle Mars, à Mélanie Waldor…, lettres « plongées dans l’eau forte », mais sur lesquelles, toutefois, ce bain n’a point agi comme sur la pièce de circonstance, Dans la rue, qui rappelait à Sainte-Beuve les Tragiques de d’Aubigné :

Nous n’avons plus d’argent pour enterrer nos morts,
Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles ;
Et les corps étendus, troués par les mitrailles,
Attendent une croix, un linceul, un remords.
Le meurtre se fait roi. Le vainqueur siffle et passe.
Où va-t-il ? Au Trésor, toucher le prix du sang.
Il en a bien versé ! Mais sa main n’est pas lasse :
Elle a, sans le combattre, égorgé le passant.