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Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/30

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MARCELINES DESBORDES-VALMORE

Celui-ci, fort beau, était, en outre, un original. Marié à une jeune fille du Quesnoy, Marie-Barbe Quiquerez, Suisse d’origine, qu’il avait d’abord emmenée à Bruxelles, Antoine Desbordes mettait, comme un marin voyageant au long cours, des intervalles de plusieurs années entre ses effusions conjugales. Il supputait ses fugues au nombre de ses enfants. Il en avait eu à Bruxelles, à Mons, à Courtrai et même à Douai, où le père de Marceline était né. Les couches de sa femme lui donnaient le signal du départ. On ne le revoyait plus de longtemps. Quand il revenait, il retrouvait une épouse docile à sa tendresse ; ou bien, il l’appelait, et elle quittait tout pour le rejoindre. Cette Pénélope à répétition, vertueuse et triste, fut, d’ailleurs, assez mal payée de son obéissance passive et constante. Quand Douai revit son mari, septuagénaire, pour la dernière fois, il descendit à l’auberge d’un faubourg et se fit transporter ensuite à l’hospice, plutôt que d’aller mourir entre les bras de sa compagne à bâtons rompus.

Qu’avait-il donc à lui reprocher ? Simplement peut-être d’avoir, vieillie, fatiguée, ou indispensable à ses enfants, refusé de refaire ses paquets pour s’acheminer encore vers lui. Il s’était promis qu’elle expierait cette unique défaillance, et il se tint parole en privant sa femme de sa bénédiction et de son dernier soupir, qui furent pour les parents de Marceline, alors fiancés. Cette dure leçon in extremis n’empêcha point Marie-Barbe de faire honorer la mémoire du défunt au foyer de