Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
LA JEUNE FILLE

se précipitent les divagations de la fièvre et de la soif.

— Altérés l’un de l’autre et contents de frémir !
— Pour se perdre des yeux, c’est bien assez du soir.
— Tu ne sauras jamais comme je sais moi-même
À quelle profondeur je t’atteins et je t’aime !
— Quand ta voix saisissante atteint mon souvenir
Je tressaille, j’écoute… et j’espère immobile.
— Je crois respirer l’air qui va nous réunir !
— C’est moi qui viens poser mon nom sur ta pensée,
Sur ton cœur étonné de me revoir encor…
— L’heure qui nous sépare, au temps est inutile.
— Contente de brûler dans l’air choisi par toi !
— Ce bonheur accablant que donne ta présence
Trop vite épuiserait la flamme de mes jours.
— J’ai refermé mes bras qui ne peuvent t’atteindre.
— L’ombre est si belle, où m’attire ta main.

Comme je ne compose pas un recueil de morceaux, choisis, je dois me borner à ces citations au hasard de la mémoire. Mme Valmore a jeté dans la nôtre le combustible de ses élégies : ce ne sont, ici, que des étincelles.

Marceline dit à son amant : N’écris pas !… et elle écrit ; ne parle pas !… et elle parle. Elle se consume dans l’attente et le désir ; et, déjà, sans s’en apercevoir, ellelui crée « l’effroi de sa fidélité », elle l’éloigné sûrement en le conviant à des plaisirs monotones et sans gloire.

— Du bonheur de te voir j’ai pleuré tant de fois !
— Tu viendras, tu verras, nous pleurerons ensemble.
C’est là le sort de tout ce que le temps rassemble.