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civilisation trop avancée pour composer un bon poème épique, quand bien même il en aurait eu la puissance et la vocation. C’est en général dans les premiers temps littéraires d’un peuple, lorsque les croyances ne sont pas attiédies, et lorsque l’invasion du roman n’a pas encore eu lieu, que paraissent les épopées vraiment dignes de ce nom. La France a laissé passer le temps. C’était au seizième siècle, c’était parmi les guerres religieuses, sous les règnes si orageux et si poétiques des derniers Valois, que devait surgir l’Épopée française ; à cette époque, on trouve Ronsard et quelques autres poètes de la Pleïade, trop vantés alors, et surtout trop décriés de nos jours par des auteurs qui ne les connaissent guère et qui sont loin de les égaler ; mais on cherche vainement, dans cette Pleïade brillante, l’homme d’une puissante imagination, le poète de génie enfin, capable d’enfanter une œuvre épique. Ce serait ici l’occasion de rechercher quelles influences fatales ont écarté du sol de la France le plus beau laurier poétique, et quelles conséquences en ont résulté pour l’avenir de la poésie française, qui, privée des divins secours d’une épopée, où toutes les autres littératures puisent comme dans un fleuve, a cherché sa gloire dans les genres qui n’en découlent pas