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c’est-à-dire qui n’ont point d’idées ni d’imagination ? Quelle conclusion peut-on tirer de là ? depuis quand calcule-t-on les forces de deux armées par leurs blessés et leurs infirmes ? Laissez-nous compter nos forces effectives, les talens véritables qu’on a tour-à-tour traités de romantiques depuis vingt-cinq ans ; nous laisserons les noms classiques en blanc, vous les remplirez vous-mêmes. Nous ne pouvons pas mieux dire. Ensuite l’Europe ou un enfant décidera.

On convient généralement de la supériorité de notre jeune école philosophique et historique ; notre siècle est déjà si bon juge en fait de prose, que personne ne songe à nier l’immense talent de M. l’abbé de la Mennais, quoique ses systèmes soient combattus de toutes parts. Les triomphes de notre jeune école poétique sont au contraire fort contestés. C’est que pour juger la prose, il faut de l’esprit, de la raison, de l’érudition, et qu’il y a beaucoup de tout cela en France ; tandis que pour juger la poésie il faut le sentiment des arts et l’imagination, et ce sont deux qualités aussi rares dans les lecteurs que dans les auteurs français. Dans notre pays, on comprend beaucoup plus et beaucoup mieux qu’on ne sent. Or, la poésie n’est pas seulement un genre de littérature, elle est aussi un art, par son harmonie, ses couleurs et ses