Page:Deschamps - Jubilé de Shakespeare, 1864.djvu/9

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Et qui court par les nuits, vive et fluette, ainsi
Qu’il la représenta dans les vers que voici :

« Avez-vous rencontré la Reine Mab ? — C’est Elle
Qui fait, dans le sommeil, veiller l’âme immortelle ;
Aussi mince, et moins longue, en toute sa hauteur,
Que l’agate qui brille au doigt d’un sénateur,
Elle s’en va, traînée au vol par deux atomes,
Autour des lits dormeurs balancer des fantômes.
Une écorce de noix forme son char léger,
Qu’a creusé l’écureuil ou l’insecte étranger,
Qui, depuis deux mille ans, travaille pour les fées ;
Un sylphe y colora des pavots en trophées ;
Sa triple roue ovale a, pour maigres rayons,
Les pattes du faucheux dont nous nous effrayons ;
Sur le magique char, l’aile d’une cigale
Étend l’abri mouvant de son ombre inégale ;
Les brides, les harnais frêles, inaperçus,
Sont les fils vaporeux que la Vierge a tissus.
Établi sur le siège, un moucheron nocturne,
Vêtu de gris, conduit la Reine taciturne.
A l’os d’un grillon noir pend son fouet qui, dans l’air,
Dessine, en se jouant, la fuite d’un éclair. —
Durant les nuits, la fée, en ce grêle équipage,
Galope follement dans le cerveau d’un page,
Qui rêve espiègles tours et propos amusants ;
De là, sur les genoux des hautains courtisans,
Elle marche, aussitôt ils font des révérences ;