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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/125

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JEUNES FILLES.

j’espérais, je vous l’avoue. Serait-ce quelque partie de cœur déjà liée ?

— Non, monsieur, je ne suis jusqu’ici prévenue pour personne.

— En tout cas, je vous demande la préférence. Quant au retardement de notre mariage, dont je ne vois pas les raisons, je ne m’en mêlerai point, je n’aurais garde. On me mène. Je suivrai. »

Cette conversation de fiançailles peut nous paraître, à présent, fort étrange. C’est à peu près le ton des soupers du Régent et des après-dîners de M. le Grand-Prieur. Les mœurs du siècle passé acceptaient cette brusquerie de la comédie conjugale. Le mariage n’était une grosse affaire que pour les petites gens. La bourgeoisie cossue, alors comme dans tous les temps, essayait de se hausser au ton de la noblesse, qui considérait l’amour conjugal comme le comble du ridicule. Un mari qui s’occupait trop de sa femme, qui la conduisait au bal, était, par là, exposé aux railleries. On citait des maris, M. de Melun, M. de la Trémoille, passionnément épris de leurs femmes et qui n’osaient les voir qu’en bonne fortune. « Sur vingt seigneurs de la cour, dit l’avocat Barbier dans son Journal, il y en a quinze qui ne vivent point avec leurs femmes. » Il suffit de lire les Mémoires de Lauzun, la Correspondance de Mme du Deffand, les Mémoires de Dufort de Cheverny, le Journal de la princesse de Ligne, et vingt autres répertoires d’anecdotes, pour être édifié là-dessus.

« Un mari qu’on aime ! disait le marquis dans l’École des bourgeois de d’Allainval. Un mari qu’on