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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/148

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MARIVAUX.

quelquefois d’alarmer la certitude qu’on a du nôtre. Elles savent aussi, hélas ! que, de toutes les façons de faire cesser l’amour, la plus sûre, c’est de le satisfaire. Bien qu’elles n’aient plus beaucoup de temps à perdre, elles ne sont jamais pressées de conclure. Et leurs capitulations sont moins résolues que résignées. Elles ont les grâces durables qui survivent à la première jeunesse. Les plus raffinés connaisseurs de l’âme féminine hésitent à dire si les verdeurs du printemps ont une grâce plus impérieuse que la splendeur fragile de l’arrière-saison. L’automne du cœur a des deuils aussi somptueux que la gloire d’un beau jour qui finit….


ARAMINTE

Araminte, veuve d’un mari qui avait une grande charge dans les finances, possède cinquante mille livres de rente, dont elle ne sait que faire, parce que son cœur est présentement inoccupé. C’est une personne raisonnable et fière, et qui serait sensible à cet amour respectueux et craintif qui est le régal des coquettes intelligentes. Elle ne pense point que la condition des femmes soit de choisir un maître une seule fois en leur vie, et de ne plus consentir à reprendre la chaîne du mariage. Il ne lui déplairait pas, puisqu’elle est riche, de faire la fortune romanesque d’un jeune homme pauvre. Justement, il y a dans Paris un gentilhomme de haute naissance et de petite condition, qui en veut à ses charmes et, en même temps, à ses écus. Dorante