âme, il ne trouverait pas des paroles pénétrantes et significatives comme celles-ci : « Mon respect me condamne au silence, et je mourrai du moins sans avoir eu le malheur de lui déplaire…. Jamais elle ne me parle ou ne me regarde que mon amour n’en augmente…. Le plaisir de la voir et quelquefois d’être avec elle est tout ce que je me propose…. Quoique mon amour soit sans espérance, je n’en dois pas moins un secret inviolable à l’objet aimé…. » Il souffre en songeant à elle, et l’amertume de cette souffrance lui paraît délicieuse. Il n’est plus de sang-froid, il s’égare en rêveries….
Il pleure. Les crises d’amour sont contagieuses. Par degrés insensibles, la passion qui envahit le cœur de Dorante se répand dans celui d’Araminte. Cette comédie semblait d’abord la représentation d’une aventure banale. Et voilà que, de scène en scène, l’intérêt s’accroît. Cet homme et cette femme passent par les douloureuses alternatives de l’espérance et de la crainte. Leur âme, d’abord effleurée par les nuances fugitives du sentiment, dominée ensuite par les effets surprenants de la sympathie, est enfin atteinte, jusqu’en son fond le plus intime, par l’aiguillon du doute, de la jalousie, du désespoir. Certes, le transport de leur esprit ne les jette jamais hors de ces bienséances dont la règle s’imposait jadis aux plus fougueux élans. Mais on n’exagère rien en disant que, sous la trame brillante de leurs discours, on aperçoit, en regardant bien, cet abîme intérieur sur lequel on ne peut se pencher sans vertige. Ici encore, selon la coutume du pays enchanté où Marivaux nous entraîne, l’amour