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MARIANNE.

m’unir à vous par tous les liens de l’honneur et de la religion : s’il y en avait de plus forts, je les prendrais, ils me feraient encore plus de plaisir ; et en vérité ce n’était pas la peine de me demander mon dessein ; je ne pense pas qu’il puisse en venir d’autre dans l’esprit d’un homme qui vous aime, mademoiselle : mes intentions ne sauraient être douteuses ; il ne reste plus qu’à savoir si elles vous seront agréables, et si je pourrai obtenir de vous ce qui fera le bonheur de ma vie…. »

Un roman ne serait pas un roman si les pures amours du héros et de l’héroïne n’étaient pas contrariées par toutes sortes de traverses et d’agitations. Mais est-il besoin d’ajouter que tout s’achève, ici, par la victoire de Marianne, et que ce récit, un peu monotone, finit par le triomphe de la vertu récompensée ? Obligée d’abord de lutter contre la misère, menacée ensuite dans son innocence et dans son honneur, compromise par la vilenie des hommes et par la méchanceté du sort, Marianne s’est abandonnée à la douceur décevante d’un amour qu’elle croyait sans espoir. Alors, un nouvel empêchement s’est opposé à ses vœux. La police du roi, qui se mêle souvent des affaires de famille, a fait enfermer Marianne dans une abbaye dont la supérieure a reçu mission de la marier sans retard à un bourgeois, pour faire cesser des scandales où sont mêlés trop de gens de qualité. Marianne est rabrouée de la belle façon : « Estimez-vous heureuse, lui dit-on. Vous n’avez pas tant à vous plaindre. On dit que vous n’avez ni père ni mère, et qu’on ne sait ni d’où vous venez, ni qui vous êtes ; on ne vous en fait