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MARIVAUX.

Le théâtre de Marivaux est une sorte de temple où des voix jeunes chantent du matin au soir, sur un ton gracieux et un peu grêle, les litanies de l’Amour vainqueur. « Quand l’amour parle, il est le maître », dit un personnage des Fausses Confidences. « Sans l’aiguillon du plaisir et de l’amour, dit Lélio, notre cœur est un vrai paralytique ; nous restons là comme des eaux dormantes, qui attendent qu’on les remue pour se remuer. » Et tout le monde, chez Marivaux, répète ce refrain. Parfois même, la mode et la coutume ont induit cet esprit inventif en des mythologies qui nous semblent maintenant surannées comme les panneaux d’un vieux paravent. La Réunion des amours qui fut jouée par les Comédiens français le 9 novembre 1731, est une allégorie délicieusement rococo, où l’on voit la sage Minerve réconcilier et unir pour toujours le dieu de la volupté et le dieu du sentiment qui, jusque-là, paraît-il, avaient vécu en frères ennemis.

Il a prévu le reproche de monotonie que l’on pourrait lui objecter : « J’ai guetté, disait-il, dans le cœur humain toutes les niches différentes où peut se cacher l’amour, lorsqu’il craint de se montrer, et chacune de mes comédies a pour objet de le faire sortir de ces niches ». Et il ajoutait, en parlant de son théâtre : « Dans mes pièces, c’est tantôt un amour ignoré des deux amants ; tantôt un amour timide qui n’ose se déclarer ; tantôt enfin un amour incertain et comme indécis, un amour à demi né, pour ainsi dire, dont ils se doutent sans en être bien surs et qu’ils épient au dedans d’eux-mêmes avant de lui laisser prendre l’essor. »