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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/195

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LE MARIVAUDAGE.

là ces déguisements, ces mystères par lesquels ils compliquent si volontiers les Jeux de l’Amour et du Hasard. Ils mettent à haut prix l’octroi de leur main et de leur cœur, et ne veulent se donner qu’à bon escient. Ils attendent le moment des invincibles sympathies. Ils sont toujours en examen de conscience et en confession mutuelle. Ils veulent l’Accord parfait. Ils cherchent l’amour vrai, l’amour simple, l’amour pur. Voilà pourquoi ils ont toujours martel en tête. Ici, chaque soupirant pourra répéter, après la noce, à celle qu’il aime, ce que M. de Clèves disait à la princesse : « Si je savais une femme telle que vous éprise d’un autre que moi, je quitterais le personnage d’amant et d’époux pour la conseiller et la plaindre ». Le théâtre entier de Marivaux mériterait de porter ce titre, qui est celui de sa huitième comédie : les Sincères.

Il y a, pour chacun de nous, dans le vaste univers, une personne qu’il faut attendre, et qu’il ne faut pas manquer lorsqu’on l’a trouvée. Il y a des apparitions qu’il ne faut pas négliger pour une ombre vaine. Il y a une personne, longtemps inconnue, à qui chacun de nous pourrait dire ce que Mlle de Lespinasse disait au chevalier de Guibert : « Je souffre, je vous aime et je vous attends ». L’essentiel est de se bien connaître et de savoir par qui l’on mérite d’être aimé.

Cet examen de conscience, dicté par une probité inquiète, — cette application à éviter les illusions qui trompent, à déjouer les pièges du caprice et de la fantaisie, à mettre au service du sentiment les plus subtiles lumières de la raison, — ce souci d’éloigner