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MARIVAUX.

par mépris, le lambertinage. C’était un mélange de langage subtil, de néologisme et de sentiments métaphysiques, avec de belles parties de libéralisme et de nouveauté et, comme il arrive ordinairement dans la société des femmes, une façon très noble de réagir contre le cynisme et la grossièreté.

Les jeunes provinciaux qui débarquent à Paris font ordinairement leur rhétorique quelque part, dans les cafés ou dans les salons. Il y eut toujours, par la suite, une dose de lambertinage dans le marivaudage de notre auteur. Il ne faut pas trop s’en plaindre. Sous la prétendue préciosité de cette marquise, il y avait de la droiture, de la franchise, de la sincérité, « un grand amour de la vérité », « quelque chose de liant, d’obligeant et d’aimable », c’est-à-dire toutes ces vertus que l’on retrouve sous les grâces mondaines des héroïnes de Marivaux. On cite de Mme de Lambert une phrase, qui est d’un marivaudage fort touchant : « Les âmes tendres et délicates, disait-elle, sentent les besoins du cœur plus qu’on ne sent les autres nécessités de la vie… Les caractères sensibles cherchent à s’unir par les sentiments : le cœur étant fait pour aimer, il est sans vie dès que vous lui refusez le plaisir d’aimer et d’être aimé…. Rien n’est si doux qu’une sensible amitié. »

Marivaux fréquentait aussi chez la marquise de Tencin, ancienne religieuse, ancienne maîtresse du cardinal Dubois, laquelle tenait un cercle fort renommé dans son appartement de la rue Saint-Honoré, près du cul-de-sac de l’Oratoire. Cette société fut particulièrement florissante après la mort