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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/30

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MARIVAUX.

où « l’impatience de faire preuve de finesse et de sagacité perçait visiblement ».

Le Limousin Marmontel, qui, à peine échappé du séminaire, rechercha l’entretien des gens du monde, raconte en ses Mémoires qu’on arrivait là préparé à jouer son rôle, et que l’envie d’entrer en scène n’y laissait pas toujours à la conversation la liberté de suivre son cours facile et naturel. C’était à qui saisirait le plus vite et comme à la volée le moment de placer son épigramme, son récit, son fait divers, sa sentence ou son trait léger et piquant, et, pour amener l’à-propos, on le tirait quelquefois d’un peu loin.

Marivaux, qui ne manquait pas d’affinités avec les précieux et les précieuses, fut plus indulgent pour ce salon. Il fut ravi d’y trouver « un ton de conversation excellent, exquis, quoique simple ». Il y savoura tout de suite « une science qui lui était totalement inconnue ». Longtemps après, écrivant la Vie de Marianne ou les aventures de la comtesse de…, il ne pouvait s’empêcher de peindre, sous un nom supposé, dans la quatrième partie de ce roman, le salon de la marquise de Tencin.

Il apportait, dans les conversations du monde, un continuel esprit de finesse, qui fatiguait parfois ses auditeurs autant que lui-même. Son amour-propre délicat était toujours sur le qui-vive, mais il marquait la plus libérale attention à ménager la vanité des autres. Il savait écouter, et n’ignorait pas qu’un air distrait offense toujours celui qui parle. Ennemi de l’affectation, il ne disait que ce qu’il pensait et sentait. Il croyait être simple en