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JULIE, prenant le papier de Céline.

 C’est ce que je voulais.

CÉLINE, récitant par cœur.


PETITE VIOLETTE. FABLE.

 
Petite violette, un jour, venait de naître
Sur le bord d’un ruisseau, dans un vallon caché,
Quand elle dit, mettant le nez à la fenêtre :
« Belle fleur !… j’ai le front vers la terre penché…
Qui le saura ? personne ; et puis, près de cette onde,
Qu’est-ce que je verrai ? Rien du tout. — Et les fleurs
Sont faites pour le monde…
C’est donc raison d’aller prendre racine ailleurs. »

Tout en parlant ainsi, petite violette
Avec les petits doigts de sa petite main
Tire ses petits pieds du sol, fait sa toilette
Et se met en chemin.

« La montagne au front bleu qui dans l’air se dessine,
Me conviendrait, dit-elle. — À son premier plateau
Si je pouvais atteindre ! oh ! ce serait bien beau !
Et je verrais du monde un bon morceau !…
C’est donc raison d’aller prendre, là-haut, racine. »

Petite violette a, d’un agile pas,
Gravi le monticule au soleil qui le dore ;
Mais, à peine installée, elle n’y trouve pas
Son compte, et soupirant encore :

« D’ici l’on ne voit pas grand’chose — il me faut tout.
Ah ! du second plateau je pourrais, j’imagine,
Voir le monde, et cela de l’un à l’autre bout…
C’est donc raison d’aller, plus haut, prendre racine. »