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Page:Deschamps - Retour à Paris, 1832.djvu/10

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Et que la mort, un jour, avec ses mains glacées,
Viendra prendre au milieu de ces graves pensées ! —
Mais, Louise, à nous deux : plusieurs vous apprendront
Que la grâce vous pose un diadème au front,
Et que, toute petite encore que vous êtes,
Il n’est guère de taille et de jambes mieux faites ;
Que vos yeux sont très-noirs et vos cheveux très-blonds
(Double et rare beauté !) ; que vos cils fins et longs
S’abaissent, palpitans, sur votre belle joue,
Comme un grand papillon qui dans ses fleurs se joue ;
Que vous aurez bientôt la voix d’un rossignol ;
Des pieds à rendre fou tout un bal espagnol ;
Et que Dieu mit en vous l’harmonieux mélange
D’un esprit de lutin avec le cœur d’un ange…
Que sais-je ? Ces messieurs répandront sur vos pas
Mille douceurs encor… Moi, je n’en parle pas. —
Tous ces charmes, d’ailleurs, auréole éphémère,
Le beau miracle, étant fille de votre mère !


Ce dont il faut parler, c’est du futur emploi
D’une si riche dot : jurez, oh ! jurez-moi
De ne la point user dans ce Paris profane,
Où, comme la beauté, l’âme aux flambeaux se fane ;
Où les hommes n’ont pas d’amis s’ils n’ont point d’or ;
Où des femmes, niant la pudeur, leur trésor,
Vous diraient que, pourvu qu’on soit la plus jolie,
Aller s’inquiéter d’autre chose est folie ;
Où mille sots blasés se creusent, jours et nuits,
À chercher des plaisirs qui les changent d’ennuis…
Riez pourtant, dansez et bondissez de joie
Sur votre banc, sitôt que l’archet se déploie ;