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Tous ces rires, ces pleurs, tous ces chants, tous ces cris,
Ce prisme, ce chaos harmonique… Paris !
Ce temple à mille dieux, ce bazar, cette fête,
Paris, la vie ainsi que les hommes l’ont faite,
Opposant, fils rivaux du monarque du ciel,
Leur monde fantastique à l’univers réel,
Monde dont le Caprice enfanta la merveille,
Monde qui dans l’hiver et dans les nuits s’éveille,
Monde qui vous fascine et l’âme et les regards,
Car la nature est belle… un peu moins que les arts !
Car, bien que morne au bord de cette mer qui roule,
Et muet dans ce bruit, et seul dans cette foule,
Tant de prestiges, tant d’éclat, de mouvement
Vous entoure, qu’il faut s’y mêler par moment ;
La vapeur du festin, malgré vous, vous enivre,
Et l’on croyait mourir, et l’on se prend à vivre !…


Salut, gouffre sauveur, Babylone du Nord,
Toi, que je blasphémais, toi, l’orage et le port !
Salut ! — Il n’est que deux séjours sur cette terre :
L’exil où saintement s’accomplit le mystère
De quelque belle amour cachée à tous les yeux,
Lieu, qu’en mourant, on quitte à regret pour les cieux ;
Et Paris, grand foyer, lumineuse tempête,
Où le cœur s’étourdit, où l’on vit par la tête.
Salut donc ! de ton luxe et de tes arts pompeux
Réveille mes regards éteints, et, si tu peux,
Couvre de tous tes bruits, les cris d’une âme en peine.
Je regarde et j’écoute. — Allons, Paris, en scène !
Je veux du drame immense, aux huit cent mille acteurs,
Suivre la marche, assis au banc des spectateurs :