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DE L’ÎLE DE PHILÆ.

insupportable. En été, vers le milieu du jour, il n’y a plus aucune ombre, aucun abri contre l’ardeur du soleil ; il darde à plomb ses rayons ; le sable et les rochers les renvoient, et ce lieu devient une sorte de fournaise, redoutée même des naturels du pays : aussi, lorsque l’on peut choisir les heures de la marche, ce n’est qu’après le coucher du soleil que l’on parcourt cette vallée. C’est à cette heure que je l’ai moi-même parcourue sous un ciel d’une telle transparence et par un clair de lune si brillant, que nos plus belles nuits d’Europe n’en peuvent point donner d’idée.

Les marches nocturnes ont toujours quelque chose d’imposant et de grave qui dispose l’ame aux impressions profondes ; mais quel lieu pourrait en produire de plus fortes et rappeler plus de souvenirs ? Je songeais avec une sorte d’émotion, de plaisir et de doute, que j’étais sur un des points les plus remarquables de la terre, dans des lieux qui semblent en quelque sorte fabuleux, et dont les noms, prononcés dès l’enfance, ont pris une signification gigantesque et presque magique. Je touchais aux rochers des cataractes, aux portes de l’Éthiopie, aux bornes de l’empire romain ; j’allais bientôt entrer dans cette île où fut le tombeau d’Osiris, île autrefois sacrée, ignorée aujourd’hui, le sanctuaire d’une antique religion mère de tant d’autres cultes ; enfin, j’approchais d’une des immuables divisions de notre globe, et le pas que je faisais était peut-être déjà dans la zone torride.

Au milieu de ces pensées, le voyage s’achève avec une apparente rapidité ; on est averti de son terme par le