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Page:Desforêts - Le p’tit gars du colon, 1934.djvu/131

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la traversée du lac

vrage », monsieur Gaudreau, c’est de « la bel ouvrage »…

Pardine ! ne le savait-il pas, le brave François ?

Mais là, de se l’entendre dire publiquement par l’homme de la Compagnie, il en était fier.

Il restait de lancer à l’eau pour le flottage vers le lac, ces milliers de troncs coupés, ébranchés, prêts à la tragique aventure.

Car le printemps, faisant son tour annuel, arrivait enfin dans ces régions du nord. Très vite, pour le pardon joyeux de son retard, il chassait la neige et les glaces, réveillait les sèves engourdies, rappelait les oiseaux migrateurs. Et presque d’un jour à l’autre, on verrait le flot des deux rivières et du lac s’emplir de soleil ; l’herbe des talus, les graminées des longs bancs de sable renaître et grandir ; de toute parcelle d’humus les fleurettes sauvages tressaillir aux souffles tièdes ; cent ailes accourues battre, briller, se pourchasser dans l’espace rayonnant.

Et nul ne s’apitoyait sur tant de cadavres mutilés : pauvres arbres frappés dans leur mâle verdeur ; forêts entières disparues… S’il faut qu’elles meurent pour que l’homme vive ?

Nul n’entendit l’immense plainte des solitudes. Mais bientôt l’écho tressaillit de bruits insolites : le heurt brutal contre l’eau de ces lourdes pièces