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le p’tit gars du colon

Et tout à coup leur revenaient les paroles de la maman disparue : « Ici-bas, rien n’est stable… Le bonheur ? une fleur qui se fane… une ombre qui passe. »

Décembre finissait.

Le jour de l’An montait, glacé, lamentablement désolé.

Était-ce pour échapper au marasme de son foyer désert ? peut-être à ses reproches ?… François Gaudreau appelait ses enfants ; ils s’en allaient au village ; assistaient à la messe, rendaient visite à monsieur le curé dont ils recevaient les conseils, et se dirigeaient vers le cimetière.

La neige s’amoncelait sur les tombes ; seules, les croix émergeaient du blanc suaire ; parfois même de gros ourlets de ce voile épais travaillé par le vent, cachaient les noms… Ci-gît ? plus rien ; l’inscription disparaissait, mais renaîtra quand le rayon du gai printemps consumera ce tissu lourd jeté par l’hiver. Ainsi pour nos défunts. Résurrection !… ils sont immortels ! Et tous les cinq au travers de cette neige, se suivaient dans le sentier tracé par le père ; ils arrivaient près de la sépulture qui seule, aujourd’hui, les intéressait. La croix modeste de bois noir disait en lettres blanches quelle dépouille dormait là, sous la neige et sous la terre, son long sommeil… n’avait-elle pas murmuré, la voix faible : « Je vais dormir si longtemps ».