Page:Desmarets - Clovis ou la France Chrétienne.djvu/382

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Suis-je éveillé, dit-il ? Suis-je vif ? Suis-je mort ?
Quel est donc ce lieu sombre où m’a placé le sort ?
Mais que dis-je du sort ? Quoy ? Ma bouche peu sage
Des aveugles gentils parle encor le langage ?
Rien sans toy ne se fait, arbitre des humains.
Je veux ce que tu veux : ma vie est en tes mains.
Mets moy dans un abysme, au fonds de l’enfer mesme,
Pourveû que dans l’enfer je te loüe et je t’aime.
Par tout tu me nourris : par tout tu me soustiens :
Ta presence est par tout : et tu donnes aux tiens
Dans les plus tristes lieux les plus riches couronnes.
Par tout tu me remplis : par tout tu m’environnes.
Alors il sent un calme ; et savoure un plaisir
Ou ne pouvoit jamais aspirer son desir.
Son ame éprouve un goust de la celeste gloire.
Puis il entend la voix qu’adore sa memoire.
Chevalier de Jesus, courage, cher espoux.
Voy que le juste ciel, de son honneur jaloux,
En dépit de l’enfer, et de sa noire envie,
Veut consoler ton ame, et garantir ta vie.
Le duc sortant d’un bien qui surpasse les sens,
D’un sensible plaisir sent les charmes puissans.
Il tourne ses regards vers l’estroite ouverture :
Void sa belle Agilane en une clarté pure,
Dont la main fait descendre un vaisseau precieux,
Et luy donne un manger rare et delicieux.