Page:Desmarets - Clovis ou la France Chrétienne.djvu/536

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Du sauvage animal la surprenante veuë,
Anime tous les cœurs d’une joye impreveuë.
Les francs de toutes parts réveillent leurs esprits :
N’osant quitter leurs rangs, l’attaquent de leurs cris :
Pensent qu’à son mal-heur elle s’est enfermée
Dans l’effroyable enclos de la nombreuse armée ;
Et d’un commun desir, et par des coups divers,
Pretendent à l’envy l’abbattre de leurs fers.
Nulle pique, nul dard, n’attaint la beste fauve.
Par tout les coups sont vains : Dieu la guide, et la sauve.
Sans cesse elle bondit, sans peur, et sans effort :
Passe malgré les voix qui presagent sa mort :
Enfin leve en lieu seûr sa teste glorieuse,
D’un camp victorieux fiere victorieuse.
Loin sur le bord du fleuve, elle va pour Clovis
Donner toute müette un important advis.
Elle descend dans l’onde, et s’avance, et s’engage :
Marche d’un ferme pied, sans se mettre à la nage.
Puis en tournant la teste, elle arreste ses pas ;
Et semble dire aux francs ; ne desesperez pas.
Suivez moy dans ces eaux : entrez, que nul ne craigne.
Venez, voicy le gué : par moy Dieu vous l’enseigne.
Elle poursuit sa route ; et d’un superbe port,
Franchit le fil de l’onde, et passe à l’autre bord.
Toute l’armée émeûë éclate en cris de joye.
Tous rendent grace à Dieu : tous marchent sur la voye.