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Page:Desmoulins - Œuvres, t. 1, éd. Claretie, 1874.djvu/16

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vaillons depuis dix ans, Camille Desmoulins et les Dantonistes, livre que nous achèverons bientôt, et nous nous en tiendrons, pour cette édition des Œuvres de Camille, au seul rôle littéraire de cet écrivain d’un talent si rare, d’un esprit si éclatant et si fin, digne fils, en ligne directe, des grands rieurs gaulois, ceux qui inventaient Gargantua on la Satire Ménippée. Ce côté littéraire d’ailleurs nous suffit, et il n’est pas mauvais de prouver qu’un écrivain républicain sait aussi avoir le goût, la finesse et cette aristocratie d’esprit que ne possèdent pas seuls les Aristophanes de la monarchie.

Il y a aussi une autre raison pour laquelle nous sommes heureux de rééditer les œuvres de ce polémiste. C’est que Camille Desmoulins est de ceux qui font aimer les idées qu’ils défendent. On peut lui reprocher bien des fautes : il est homme et partant il a pu faiblir ; on peut l’accuser de légèreté et d’imprudence ; on peut, en étudiant sa vie, y compter plus d’une heure défaillante, des emportements irréfléchis, d’impardonnables cruautés de style, des intempérances de plume qui sont, hélas ! aussi terribles que des coups de poignard. Mais on n’y trouvera du moins ni une malhonnêteté, ni une infamie préméditée : il est de ceux dont on subit le charme. Il est de ces fantômes dont on se dit, quand on les rencontre dans l’histoire : « Celui-là, je l’eusse aimé ! » Depuis longtemps, tandis que nous plaidons encore pour la mémoire de plus d’un homme de la Révolution mal jugé, calomnié, Camille Desmoulins a gagné sa cause devant le public. Il apparaît, souriant, au bras de sa Lucile,