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Revenant à l’éradication du polype, je ne crois pas, ainsi que je l’ai observé, que cette opération ait contribué en rien à la mort qui l’a suivie de près. Mais à quelles incertitudes aurois-je été réduit ? À quels doutes auroient été en proie les parens de cette femme, si je n’avois pas fait l’ouverture du crâne ? Les remarques de Monsieur Quesnoy sur les suites des lésions à la tête peuvent trouver leur place ici, et je ne saurois mieux faire que de laisser parler ce grand maître.

Il n’est pas douteux, dit le secrétaire de l’Académie, que toutes ces causes (dont il a fait l’énumération) ne puissent fort souvent causer la perte des blessés ; mais on peut bien penser aussi que faute d’ouvrir les cadavres, on attribue à des causes apparentes ou extérieures un mauvais succès, qui réellement, est l’effet de quelques causes cachées au dedans, par exemple, un abcès dans l’intérieur du crâne, etc. Or, continue ce célèbre chirurgien, si[a 1] ces causes cachées font périr inopinément les blessés, lorsque quelque conjonchère[a 2] remarquable fournit au dehors une cause apparente de cette mort inopinée, on ne manque pas d’attribuer à cette cause extérieure le funestre événement qui la suit, puisqu’elle est la seule cause sensible qui paroisse l’avoir occasionnée[1].

De ce qui précède, il résulte que je ne pouvois connoître la véritable cause de la mort de cette femme que par l’ouverture du crâne. C’est par là que j’ai mis en évidence les effets d’un contre-coup raisonnablement attribué à un coup de poing, que je me suis assuré de la pourriture du cerveau qui s’en est ensuivie dans un lieu opposé à celui qui avoit été frappé, de la possibilité que cette pourriture a pu se former et subsister longtemps sans troubler aucune des fonctions, et sans affecter notablement le fond de la santé.

C’est par là enfin que je me suis convaincu que cette même pourriture a pu transmettre ses effets par la fente sphénoïdale depuis l’intérieur du crâne jusqu’à l’arrière bouche et finalement jusqu’à la fosse nazale droite, où par succession de tems, elle est devenue l’occasion d’un polype monstrueux dans cette partie. C’est pour ne laisser aucun doute sur la série et l’enchaînement de tous ces faits que je me suis permis, au risque d’être prolixe, des détails, de l’exactitude desquels m’a paru dépendre la solution des questions annoncées

  1. Mémoire de l’Académie royale de chirurgie, partie 2, in-12o, page 159.
  1. Insertion de « si » dans l’interligne supérieur.
  2. Insertion de « n » de « conjonchère » dans l’interligne supérieur.