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  DERNIÈRES AMOURS. 124



XX.


A la beauté du Ciel voſtre beauté i’égale :
Le Ciel en ſa rondeur toute forme contient,
Et par ſon mouuement cree, émeut & maintient :
De ſemblables effects vous eſtes liberale.

Car voſtre belle veue admirable & fatale
Cree en nous les amours, les garde & les ſouſtient :
Et tant de beaux penſers dont l’eſprit s’entretient,
Ont leur mouuement d’elle & leur forme ideale.

Le clair Doleil du Ciel fait naiſtre en tournoyant
Les fleurs, l’or precieux, le rubis flamboyant,
Dont mainte Dame apres ſon beau chef enuironne.

Les Soleils de vos yeux mon eſprit allumans,
Y produiſent ſans fin perles & diamans,
Dont i’eſpere en mes vers vous faire vne couronne.


XXI.


Le temps leger s’enfuit ſans m’en apperceuoir,
Quand celle à qui ie ſuis mes angoiſſes conſole :
Il n’eſt vieil, ny boiteux, c’eſt vn enfant qui vole,
Au moins quand quelque bien vient mon mal deceuoir.

A peine ay-ie loiſir ſeulement de la voir,
Et de rauir mon ame en ſa douce parole,
Que la nuict à grands pas ſe haſte & me la volle,
M’oſtant toute clairté, toute ame & tout pouuoir.

Biẽheureus quatre iours, mais quatre heures ſoudaines
Que n’auez vous duré pour le bien de mes paines,
Et pourquoy voſtre cours s’eſt il tant auancé ?

Plus la joye eſt extreme & plus elle eſt fuitiue :
Mais i’en garde pourtant la memoire ſi viue,
Que mon plaiſir perdu n’eſt pas du tout paßé.

Q iiii