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  DERNIÈRES AMOURS. 125


XXXIIII.

Voyant le beau soleil ſi clair & radieux,
Qui couvre & qui deſtruit toute grande lumiere,
Ainſi qu’en l’Ocean ſe perd toute riviere.
Ie ne me puis tenir de le dire envieux.
Car tant de feux divins ſemez parmi les Cieux,
Voire ſa propre sœur des aſtres la premiere,
Perdent, s’il eſt preſent, leur ſplendeur couſtumiere,
Et de leur deshonneur il ſe rend glorieux.
Le soleil de nos ans qui fait fleurir ma vie,
Comme l’autre soleil n’eſt point touché d’envie,
Ombrageant les honneurs d’une moindre beauté ;
Ains par l’aimable effort de ſes flammes iumelles,
Celles qui ſont aupres en deviennent plus belles,
Et tout objet voiſin en rend plus de clairté.


XXV.

Qui veut fermer l’entree aux peu chaſtes penſees,
Et par feu comme Hercule immortel devenir ;
Qui veut de beaux deſirs ſon ame entretenir
Fuyant les vanitez du vulgaire embraſſees ;
Qui veut au ciel d’Amour voir ſes ailes hauſſees,
Et de tous vieux ennuis la mémoire bannir,
Vienne au iour de vos yeux s’il les peut ſouſtenir,
Beaux Yeux les doux meurtriers de mes peines paſſees.
Quicõque ainſi que moy s’y peut ferme arreſter,
D’autres biens ne ſçauroit ſon eſprit contenter,
Tout object du commun l’offenſe & le travaille ;
Les tourmens ne pourroyent l’en priver tant ſoit peu,
Et comme la Veſtale avoit ſoin de ſon feu,
Il conſerve le ſien de peur qu’il ne luy faille.