Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) III - Cleonice. Dernières Amours.djvu/2

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CLEONICE,


II.


I’ay dit à mon Deſir, Penſe à te bien guider,
Rien trop bas, ou trop haut, ne te face diſtraire :
Il ne m’eſcouta point, mais ieune & volontaire,
Par vn nouueau ſentier ſe voulut hazarder.

Ie vey le Ciel ſur luy mille orages darder,
Ie le vey trauersé de flamme ardente & claire,
Se plaindre en trebuchant de ſon vol temeraire,
Que mon ſage conſeil n’auoit ſceu retarder.

Apres ton precipice, ô Desir miſerable !
Ie t’ay fait dedans l’onde vne tumbe honorable
De ces pleurs que mes yeux font couler iour & nuit :

Et l’Eſperance auſſi ta ſœur foible & dolante,
Apres maints lõgs deſtours ſe voit chãgee en plante,
Qui reuerdit aſſez, mais n’ha iamnais de fruit.


III.


Parmi ſes blonds cheueux erroyent les Amourettes
S’entrelaçãs l’vn l’autre, et ſes yeux mes vaincueurs,
Faiſoyent par leurs rayõs vn Iuillet dans les cueurs,
Et ſur terre vn Auril tapißé de fleurettes.

Sur les lis de ſon ſein voletoyent les auettes,
Contre les regardans decochans leurs rigueurs.
Dieux que d’heureux tourmens ! que d’aimables langueurs !
Que d’hameçons cachez ! que de flammes ſecrettes !

Si toſt que m’apparut ce chef-d’œuure des Cieux,
En crainte & tout deuôt ie refermay les yeux,
N’oſant les hazarder à ſi hautes merueilles :

Mais ie n’auançay rien, car ſes diuins propos
Me volerent d’vn coup l’eſprit & le repos,
Et l’Amour en mon cœur entra par les oreilles.