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  AMOURS  

II.


Quand je pouvois me plaindre en l’amoureux tourment,
Donnant air à la flamme en ma poitrine enclose,
Je vivois trop heureux : las ! maintenant je n’ose
Alleger ma douleur d’un soupir seulement.

C’est me poursuivre, Amour, trop rigoureusement :
J’aime, & je suis contraint de feindre une autre chose
Au fort de mes travaux je dy que je repose,
Et monstre en mes ennuis un vray contentement.

Ô dure cruauté de ma passion forte !
Mais je me plains à tort du mal que je supporte
Veu qu’un si beau desir fait naistre mes douleurs :

Puis j’ay ce reconfort en mon cruel martyre,
Que j’escry toute nuict ce que je n’ose dire,
Et quand l’encre me faut je me sers de mes pleurs.


III.


Venus cherche son fils, Venus toute en colere
Cherche l’aveugle Amour par le monde égaré :
Mais ta recherche est vaine, ô dolente Cythere :
Car il s’est à la fin dans mon cœur retiré.

Que sera-ce de moy ? Que me faudra-t-il faire ?
Je me voy d’un des deux le courroux preparé :
Egalle obeissance à tous deux j’ay juré.
Le fils est dangereux, dangereuse est la mere.

Si je recele Amour, son feu brûle mon cueur :
Si je decele Amour, il est plein de rigueur,
Et trouvera pour moy quelque peine nouvelle.

Amour, demeure donc en mon cœur seurement :
Mais fay que ton ardeur ne soit pas si cruelle,
Et je te cacheray beaucoup plus aisément.